Il était une fois dans une lointaine contrée ….euh … en France donc, naissait le plus beau des chiots.
Sa maman avait mis en même temps au monde d’autres bébés, mais les fées du monde merveilleux de la génétique s’étaient d’avantage penchées sur ce petit bout au nez tout rose, au corps parfait et au pelage aussi doux qu’une caresse.
Tous les humains qui peuplaient la maisonnée, avec des « Ohhhhh !!! » puis des « Ahhhhhh !!! », s’écriaient en le voyant, et plus souvent qu’il ne le fallait, des «Comme il est mignonnnn !!!»
Bref, le petit chiot grandit avec sa fratrie faisant l’admiration de tous.
Gambadant auprès de sa maman, le petit chiot n’avait que plaisirs en tête et ne voyait que jeux à découvrir.
Parmi tous ses amis, il y avait un vieux chien vers lequel il se rendait souvent. Ce patriarche avait bien 100 ans, du moins c’est ce que pensait notre jeune ami, mais il savait si bien conter des histoires de l’ancien temps (qu’il tenait lui-même de son père ou peut être d’un autre chien âgé…qui sait …) que le chiot délaissait ses parties de cache-cache avec ses frères pour l’entendre encore et encore lui narrer les histoires merveilleuses de chasse à cour.
Le vieux chien n’avait pourtant que 2 ans de plus que sa maman, mais à 10 ans, usé et souffrant d’arthrose, ce qui l’empêchait désormais de suivre la meute, il était de plus en plus relégué au fond de sa niche.
Mais le petit chiot, tout joyeux et facétieux, ne voyait pas la tristesse de son ami. Le vieux chien commençait à maigrir et portait maintenant une trop grosse et courte chaîne à son cou.
Bien entendu, le chiot demandait toujours à son ami les raisons d’un tel fardeau mais le vieux chien affaibli se taisait, comme si le fait de lui raconter la vérité pouvait assombrir cette petite vie qui commençait. Les jours passaient ainsi, calmes et insouciants, …jusqu’à cette terrible journée !!Le chiot en s’éveillant ce matin là, eut une pensée étrange et se précipita vers la niche de son vieil ami.
Stupeur, celle-ci était à présent vide !!! Il cria dans tous les coins de la vaste cour le nom de son ami mais seul le vent lui renvoya l’écho de ses appels.
Pourtant quelques fâcheux épisodes précédents auraient du l’avertir mais comment peut-on deviner son avenir quand on est si petit et surtout aimé de ses maîtres.
Il se rappela la gamelle vide de son ami alors que la sienne et celles de ses autres copains se remplissaient chaque jour. Il repensait sans cesse à l’écuelle d’eau croupie et, surtout, le regard triste et implorant qui avait choisi de se taire pour ne pas l’effrayer, lui manquait.
Il prit alors conscience en regardant mieux autour de lui. Tous les animaux qu’il connaissait étaient jeunes et fringants et il eut beau interrogé et vérifié …aucune trace de vénérables vieillards !!!
Le petit chiot se rappela enfin cette phrase prononcée par son jeune maître et frémit : « les vieux chiens sont des bouches inutiles ». Alors fou de chagrin, il courut vers sa maman et il lut alors dans ses yeux la confirmation de l’horrible vérité.
Il sut à cet instant que sa maman aurait la même cruelle destinée !!
Le petit chien dans le lointain pays a grandi ….Et plus il grandissait et plus les « Ohhhh, comme il est beau » et les « Ahhhhhhh, c’est un bon chien » allaient de paire avec ses prouesses à la chasse.
Cela faisait bien des saisons que sa maman n’était plus à ses côtés : le petit chien avait pleuré longtemps, la cherchant partout dans les environs.
Il n’avait pas oublié ce qu’elle lui avait dit lors de la disparition de son ami, le vieux chien.
Cependant, comblé par tant d’attentions de la part de son jeune maître, il s’accrochait naïvement à l’idée que pour lui, cela n’arriverait jamais.
Bien des hivers et des printemps passèrent et si les étés se déroulaient à chasser les mouches, les automnes étaient toujours existants et pleins de rebondissements.
Là, une horde de sanglier à décimer ; là bas, quelques daims aussi futés que les rats des champs mais ne pouvant en aucun cas rivaliser de ruse avec lui !!!
Pourtant il arriva ce fameux automne où il a vainement pisté les yeux au sol et la truffe au vent … L’évidence était là : le petit chien devenu vieux, n’était plus apte à chasser. Le jeune maître, devenu un homme à présent, gronda, frappa et donna un
si grand coup de pied que notre vieux chien en eut le souffle coupé.
De retour à la maison, le maître traîna son compagnon jusqu’à une niche délabrée et sale.
Le vieux chien jappa alors comme un désespéré, tentant d’amadouer son maître afin que celui-ci le remette au chenil avec ses autres compagnons. Hélas, ses vaines tentatives eurent l’effet inverse.
Une lourde et courte chaîne pendait à présent sur son cou, l’obligeant à garder sa tête baissée. La douleur sur sa nuque était atroce comme l’était la faim qui tenaillait maintenant ses entrailles.
Chaque jour au lever du soleil, on entendait son hurlement de souffrance et,
chaque nuit, ses pleurs déchirants montaient vers le ciel étoilé.
Le monde du vieux chien n’était désormais plus que tristesse et désolation.
Personne ne semblait vouloir dire à ce maître ingrat que ce qu’il faisait n’était pas digne d’un humain. Pourtant un jour, deux jeunes femmes vinrent à la ferme.
Elles parlementèrent avec le maître en employant tour à tour douceur et fermeté.
Avec moult gestes vers le vieux chien, il était plus qu’évident qu’elles négociaient âprement la survie du vieux chien. Couché près de sa niche, celui-ci attendait avec espoir.
Enfin, après plusieurs minutes d’angoisse, l’une des jeunes femmes vint vers lui.
Les mots qu’elle prononça eurent pour lui l’odeur du parfum le plus subtil qu’il soit :
« C’est fini mon bon chien !! Tu viens avec nous et plus jamais tu ne connaîtras la faim, la soif et la souffrance ».
Il se leva d’abord chancelant puis trottina auprès d’elle en lui lançant des regards emplis d’amour et de reconnaissance.
Quand il passa devant le chenil, il s’arrêta et lança alors plusieurs aboiements comme des paroles d’avertissements envers ses anciens compagnons.
Son maître ne le regarda pas et tourna les talons dès que le vieux chien vint à sa hauteur.
Quant au vieux chien, il monta très vite dans la voiture de ses sauveteuses, retrouvant un instant la vigueur et la souplesse de ses jeunes années.
L’histoire ci-dessus pourrait être celle de ces milliers de chiens âgés abandonnés sur les routes des vacances ou tout simplement parce qu’ils ont un jour cessé de plaire. A nos yeux, ces chiens que l’on nomme avec affection, papy et mamy, possèdent la sagesse de l’humanité.
Dans leurs yeux fatigués, il y a toujours cette étincelle d’amour qui vous envahit comme
une promesse d’éternité.
Dans ces regards-là, c’est notre sensibilité qui ressurgit comme pour rappeler à nos jeunes années cette vieillesse qu’il nous faudra, un jour, affronter.
Les papis et mamies, pondérés et sereins, font d’excellents compagnons pour toutes les générations d’humains confondues ; les expériences multiples démontrent que si le troisième âge recherche le calme auprès d’eux, pour les adolescents, nos vieux chiens s’avèrent être de très bons professeurs à l’école de la vie.